Interview de Stefano Tamiazzo, auteur, dessinateur BD et directeur artistique de l’Ecole Nationale de la Bande Dessinée de Padoue

Quel est votre parcours ?

Je suis né en 1968 dans une famille de tradition militaire dans l’aviation. Mon père et mon frère lisaient des bandes dessinées comme un hobby. Lorsque nous étions enfants la tradition du dimanche matin était la lecture des bandes dessinées dans le lit. A l’époque, c’était un luxe pour moi. C’est ainsi qu’a commencé mon amour pour cette façon unique de raconter des histoires

Quand avez-vous su que vous vouliez devenir illustrateur ?

À l’âge de 14 ans, j’ai acheté une bande dessinée intitulée «L’homme du Zoulouland » « écrite et illustrée par Gino D’Antonio. Elle appartenait à une série intitulée « Un homme une aventure. » Coup de foudre pour ce volume de grand format en couleur ! Mais la bande dessinée italienne n’était pas tendance … Peu de temps après, j’ai découvert ce qu’était le modèle de bande dessinée franco-belge. Après la lecture de ce volume, ce que je voulais faire de ma vie m’est apparu clairement, je voulais dessiner des BD. 01 Comment vous êtes vous formé au dessin ?

Ma formation est totalement autodidacte. Adolescent, je voulais être dessinateur réaliste, mais je me suis rapidement rendu compte que ce n’était pas ma nature. Je tendais vers la ligne claire, avec un dessin grotesque, et j’ai décidé d’aller dans ce sens. Les résultats furent remarquables, parce ce que je m’amusais, tout simplement.

Quelles sont vos sources d’inspiration ?

Mes principales sources d’inspiration sont les livres d’histoire, les vieilles photos et les films. Ce sont trois passions qui m’accompagnent depuis toujours. 02 Les artistes que vous admirez ?

Tardi, Giardino et Miyazaki sont les auteurs qui m’ont le plus influencé de façon tangible en ce qui concerne le dessin. Ce sont les auteurs que j’ai le plus copié, essayant de capturer cette magie que je pouvais voir dans leurs planches. Parmi ceux que j’admire sans condition, en plus des trois ci-dessus: Sergio Toppi, Juan Jimenez, François Bourgeon, Enki Bilal, Hugo Pratt, Attilio Micheluzzi, Loisel, Juanjo Guarnido, Moebius, Satoshi Kon, Katsuhiro Otomo, Will Eisner, Enrico Marini. La liste est longue. 03 A quel type de BD s’apparente votre sensibilité ? Votre travail ?

Tout ce que je sais, c’est que le réalisme ne m’intéresse pas, ni en ce qui concerne le dessin, ni pour les histoires. Je suis convaincu que le dessin grotesque a des possibilités expressives largement supérieures au dessin réaliste, et j’estime donc qu’il est capable d’aborder tout type d’histoire ! Il est vraiment important de ne pas tomber dans le ridicule, et de rechercher l’harmonie entre le dessin et le récit . D’ailleurs, le dessin est une métaphore, que chaque dessinateur exprime au travers du filtre de son point de vue très personnel. Le lecteur est juge.

Comment organisez vous votre studio, votre lieu de travail ?

Mon atelier est divisée en trois petites salles.Le premier est là où je dessine. Je dessine sur une vieille table de la cuisine de mon enfance… Il y a une table lumineuse, un petit téléviseur, un lecteur DVD, des livres, des bandes dessinées, et des DVD, des outils de dessin, deux ukulélé et une figurine de Laputa dont je m’inspire au besoin. Ce sont des allers retours permanents à la librairie tout en travaillant! Dans le second, il y a deux ordinateurs, un Mac, un PC, une bibliothèque avec plus de 2500 titres, un lit et 5 ukulélé. Dans le troisième, il y a un photocopieur, le dépôt où je garde les planches originales , des croquis, des scénarios … et juste un ukulélé. 09 Quelle est votre routine quotidienne de travail ?

J’aimerais avoir une routine de travail, mais ça m’est impossible ! Je joute chaque jour entre écrire et dessiner des bandes dessinées, ainsi que mon activité de directeur artistique à la Scuola Internazionale di Comics Page Facebook ( École Internationale de la Bande Dessinée, 9 lieux en Italie et un aux États-Unis, à Chicago). C’est une école de formation dans laquelle plus de 30 professionnels de la bande dessinée, de l’illustration, du cinéma d’animation, des arts graphiques, des jeux vidéo, etc. enseignent le métier à des centaines d’étudiants dans le nord de l’Italie.

Quel matériel utilisez vous pour le crayonné, l’encrage, la colorisation ?

J’utilise les Micromine HB, B, B2, B6 pour les crayons et les marqueurs COPIC pour les storyboards. Pour l’encrage j’utilise des Rapidographes de différentes marques et des fude pen. La coloration est réalisée avec des marqueurs Copic et des crayons de couleur. La table lumineuse A3 est fondamentale dans mon processus de travail. 04 Comment connaissez vous les COPIC ?

J’ai découvert les COPIC par un collègue dans son atelier il y a un peu plus d’un an. Je suis rentré chez moi très intrigué et j’ai commencé à chercher des informations sur Internet.J’ai découvert le site Copic France et ai commencé à expérimenter quelques jours plus tard.

Pourquoi avez vous choisi COPIC ?

La réponse est simples, les marqueurs COPIC sont les meilleurs. Une gamme complète, les produits sont fiables, avec des recharges fonctionnelles et des conseils parfaits dans l’assortiment et la qualité. L’ensemble de gris est sans comparaison. 05 Quelle sorte de COPIC utilisez vous et comment ? J’utilise à 90% des COPIC Sketch mais aussi les COPIC « classiques », COPIC Wide et COPIC Multiliner (je n’utilise les Mutiliner que dans la phase d’encrage). Les COPIC sont à la base de ma technique de coloration.                                                                                                                                                                                                                               Tout d’abord, il y a:

A) Le  » color concept « , quel genre d’atmosphère donner à l’histoire à travers la couleur. Une histoire de science-fiction a des besoins différents d’une histoire qui se déroule au cours de la Belle Epoque. C’est une phase très importante. Vous devez expérimenter constamment et ne pas avoir peur de faire des erreurs pour trouver la bonne atmosphère. Si vous faites une erreur à ce stade tout le travail après aura du mal à décoller.

B) Le choix d’une palette de couleurs cohérentes à utiliser. Les couleurs ne doivent pas être trop nombreuses, et dans la façon dont je travaille, compatibles avec des couleurs neutres. Étant donné que lorsqu’on lit une BD deux pages se font face et donnent beaucoup d’information, une couleur doit ressortir pour attirer l’attention du lecteur. 06 A quel moment du processus de création d’une bande dessinée utilisez-vous les COPIC ?

L’étape de coloration est la dernière du processus de création d’une bande dessinée et est presque entièrement réalisée aux COPIC, avec des retouches aux crayons de couleur. C’est une étape très délicate car je place les couleurs directement sur l’original !

Utilisez vous le blender/mélangeur ? Les aérographes ?

J’utilise le blender dans certaines situations spécifiques comme pour les effets spéciaux: l’eau, les murs et la brique pour le moment. Mais si besoin, je fais des essais. Le blender mélange très bien et surtout surtout il est facile à remplir. Je ne utilise pas l’aérographe COPIC car le processus de protection avec les masques est trop long à mon goût.

Sur quel support papier utilisez vous les COPIC ?

J’utilise les papiers Winsor et Newton A3 « grain moyen » 220 grammes. La couleur s’étend bien et je peux intervenir si nécessaire avec d’autres types de couleur. Tous les types de papier que vous utilisez ont un rendu différent. Il est important d’en tenir compte et faire des tests sur différents papiers. 07 Quelles sont les combinaisons de couleurs COPIC que vous utilisez le plus et pourquoi ?

Warm Gray, Cold Gray neutre et toner sont les bases de ma façon de mettre en couleur. Je n’aime pas les couleurs fortes, flash. Pour cette utilisation, les couleurs dites « neutres » permettent d’abaisser la saturation de certaines couleurs. Parmi mes combinaisons préférées (en plus du gris bien sûr) il y a E 70-71-74, BV 20- 23- 31, E 41- 42- 43- 44 et BG 90, 93, 96.

Que conseilleriez vous à un jeune artiste en couleur et équipement COPIC ?

La question clé est d’étudier la « méthode COPIC »: le nom de la couleur, la classification de couleurs avec des initiales, le degré de saturation et de la luminosité, tous les deux en chiffres. Tout le monde essaie de sauter cette partie , mais il est crucial de choisir les bonnes couleurs et ainsi économiser un peu d’argent. Ce sont des notions que l’on trouve à la fois sur papier et sur le web … comme sur le blog Copic France, là où je les ai trouvé.                                                                                                                                                                                                                   Je conseille globalement de travailler avec peu de couleurs; aux débutants mais aussi aux gens avec plus d’expérience. Au début, vous pouvez vous servir que d’une combinaison de trois gris chauds (W1, 3, 5) et 3 froids (C1, 3, 5) et une paire de couleurs à choisir, en fonction de votre sensibilité. J’aime particulièrement le BV 23 et le E 70. L’important,  c’est que ne soit pas des couleurs trop lourdes afin de pouvoir les utiliser en combinaison avec du gris. 08 Comment comparez vous le travail au marqueur à alcool par rapport au numérique ? Quand/Pourquoi utiliser l’un plus que l’autre ?

La différence entre utiliser l’ordinateur et le marqueur, est dans la matière. Ceux qui travaillent avec l’ordinateur n’ont pas la matière. L’informatique et les marqueurs peuvent certainement être utilisés ensemble, et au début de mon approche avec COPIC j’ai pensé à travailler sur photoshop en « post-production ». Mais en quelques semaines, j’ai changé d’avis et éliminé l’ordinateur dans la phase de création de la coloration de la page. J’utilise l’ordinateur uniquement pour numériser les originaux.

Est il nécessaire de connaître les deux types d’outils ? Comment voyez vous l’avenir en terme d’outils de création en bande dessinée ?

Il est certainement utile de savoir comment utiliser le numérique et les techniques de coloration traditionnelles. Un professionnel doit être capable de faire un peu de tout. Je ne parle pas au nom des autres, mais mon avenir en ce qui concerne la couleur est surement liée au COPIC. La plupart des BD sont colorisées à l’ordinateur … mais aujourd’hui ce qui est numérique … est sans matière. Une page colorée avec les marqueurs COPIC a un impact visuel très physique, vous pouvez en faire des expositions, vendre les originaux. COPIC est pour moi un mode de vie !

Parmi tous vos projets, lequel a été le plus difficile, lequel a été le plus satisfaisant ?

La série de science-fiction steampunk « La Mandiguerre«  publié par Delcourt, écrit par Jean David Morvan et avec mes dessins était en même temps difficile et aussi très satisfaisante. J’ai toujours été habitué à travailler seul, et le travail avec une autre personne est toujours un défi. La collaboration est essentielle pour stimuler un projet. Avec cette série publiée également en Italie, j’ai eu l’honneur de recevoir une nomination pour le meilleur dessinateur italien.  mandiguerre Quels conseils donneriez-vous à un jeune artiste qui souhaite démarrer dans ce métier?

Préparez-vous bien, à fond, sérieusement ! En autodidacte ou dans une école spécialisée, bien étudier l’anatomie , la perspective, la théorie des ombres et tous les principes fondamentaux de dessin pour la BD. Bien comprendre ce qu’est le « story-telling ». Bien dessiner est important, bien dessiner la bande dessinée est autre chose !

Quels sont vos projets futurs ?

Je suis actuellement à la recherche d’éditeurs de langue française pour ma nouvelle série BD. Dans le cas d ‘édition en France, le projet a déjà une option éditoriale italienne et une néerlandaise. Les images de cette interview sont de cette série d’aventure écrite et dessinée par moi. La série se déroule en France entre 1894 et 1914, c’est l’histoire d’un groupe de personnes très spéciales dans l’apparence et la culture, forcées à sortir dans le monde, ce qui n’est pas une chose aisée lorsque vous êtes similaire à des monstres.

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